est restée constante, le centre de gravité politique de ces questions s’est déplacé du Royaume-Uni vers le Canada. Les autorités impériales se sont très vite dégagées de toute responsabilité politique à l’égard de notre constitution. Dès 1868, la Chambre d’assemblée de la Nouvelle-Écosse adresse à la Reine une demande unanime de séparation de cette province du Dominion du Canada, et une demande à peu près similaire est adressée au Parlement impérial. Les autorités britanniques refusent d’intervenir de cette manière dans les affaires canadiennes. Avant la fin du siècle, plusieurs autres demandes sont adressées aux autorités britanniques par les gouvernements provinciaux, soit pour modifier la constitution, soit pour la faire appliquer, mais dans aucune de ces situations le gouvernement britannique n’est prêt à agir sans la demande du gouvernement ou du Parlement du Canada.6
Au cours de la même période de quarante ans — jusqu’en mais non comprenant 1907 — le Parlement britannique a adopté quelque cinq lois visant à modifier la constitution canadienne. Toutes ces lois, sauf une, ont été adoptées à la demande des autorités fédérales canadiennes. La seule exception est le Statute Law Revision Act de 1893, qui semble avoir été adopté juste au moment où l’empire était assemblé, dans un état de distraction. Dans le cadre d’un “nettoyage” périodique de ses textes législatifs, le Parlement britannique abroge plusieurs articles de “British North America Act” qu’il considère comme périmés ou n’ayant plus lieu d’être. Cette abrogation n’a pas été demandée et n’a apparemment pas été remarquée par le Canada pendant de nombreuses années par la suite.7 Mais cela doit être considéré comme une exception, comme un processus de routine ne faisant pas appel à la volonté politique d’une nation émergente.
Tout comme il est apparu clairement au cours de cette période que le jugement politique qui préside à la modification de la Constitution doit être canadien et non britannique, il est également apparu clairement qu’au sein de l’appareil fédéral, le Parlement ainsi que le cabinet fédéral doivent approuver toute demande de modification. Au début, il y avait une certaine incertitude à ce sujet, et les premiers gouvernements canadiens des deux grands partis se sont attirés les foudres du Parlement pour ne pas avoir demandé son approbation en temps voulu. La pratique de l’adresse conjointe du Sénat et de la Chambre des communes au souverain, demandant qu’un amendement soit soumis au Parlement du Royaume-Uni, est apparue au cours de cette période, si bien qu’au XXe siècle, aucun amendement à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique n’a été demandé sans une adresse conjointe des deux Chambres canadiennes.
Au cours de cette période de quarante ans, cependant, rien n’indique que les provinces aient joué un rôle efficace dans l’expression de la volonté des Canadiens en matière d’amendements constitutionnels. Bien au contraire. Comme je l’ai indiqué précédemment, les demandes de
6. Voir Gérin-Lajoie, Constitutional Amendment in Canada (1950) at 138-43.
7. Scott, “Forgotten Amendments to the Canadian Constitution” (1942) 20 Can. B. Rev. 339.