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couverture.  Elle est illégitime.  En 1776, l’autorité légalement constituée dans les treize colonies était l’Empire britannique, et le pouvoir de modifier les arrangements constitutionnels dans les colonies résidait, selon votre point de vue, dans le Parlement britannique ou dans la Couronne britannique.  Aucune de ces autorités n’avait délégué au Congrès continental le pouvoir de publier une déclaration d’indépendance.  Plus tard, en 1781, la première constitution des États-Unis est entrée en vigueur sous la forme des articles de la Confédération.  Même si vous les considérez comme la nouvelle norme fondamentale ayant acquis une légitimité juridique, ces articles prévoyaient que tout changement futur nécessiterait le consentement unanime des assemblées législatives des États.  Néanmoins, les articles de la Confédération ont été remplacés seulement huit ans plus tard par un processus différent qui n’impliquait pas l’approbation unanime des législatures des États.  La nouvelle constitution de 1789 a été généralement acceptée comme politiquement légitime, et personne ne la remettrait en cause aujourd’hui.  Encore une fois, rien ne réussit mieux que le succès.

Ce sont là deux exemples d’un nouvel ordre constitutionnel introduit sans légitimité juridique mais bénéficiant d’une acceptation générale.  La situation inverse peut également se produire, lorsqu’une constitution a une légitimité juridique mais peu ou pas de légitimité politique.  Un exemple récent de notre époque peut être trouvé dans l’autorité que le Parlement et le gouvernement britanniques ont exercée si légalement, et si inefficacement, sur la Rhodésie de 1965 à 1980.  En 1965, la Rhodésie était une colonie britannique autonome, dotée de larges pouvoirs de gouvernement interne, mais dont le gouverneur était nommé par les Britanniques et où le Parlement britannique détenait la suprématie législative.  Le 11 novembre 1965, M. Ian Smith, Premier ministre de Rhodésie, a fait une déclaration unilatérale d’indépendance.  Bien que ses ministres et lui-même aient été démis de leurs fonctions par le gouverneur, ils ont procédé à l’adoption d’une nouvelle constitution.  Le 16 novembre, le Parlement britannique adopte une loi modifiant l’ancienne constitution coloniale de la Rhodésie et plaçant la plupart des pouvoirs du gouvernement de la Rhodésie directement entre les mains des fonctionnaires britanniques.  Pendant ce temps, en Rhodésie, M. Smith et ses collègues s’affairent à diriger le pays.  À Londres, des décrets pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement de la Rhodésie étaient solennellement adoptés, sans le moindre effet dans ce pays.  Le gouvernement britannique et une grande partie du monde affirment que le régime de Smith est illégal.  Le comité judiciaire du Conseil privé a confirmé cette opinion.  Mais cela n’a guère fait de différence pour M. Smith et son gouvernement, ainsi que pour le peuple rhodésien qui a soit soutenu M. Smith, soit acquiescé à son régime.3  Alors que l’autorité légalement légitime sur la Rhodésie résidait dans le Parlement du Royaume-Uni, la constitution effective de la Rhodésie était celle mise en place par le gouvernement de M. Smith en 1965.


3.  Voir, par exemple, Leigh, “Rhodesia After U.D.I. : Some Aspects of a Peaceful Rebellion”. [1966] Public Law 148 ; Dias, “Legal Politics : Norms Behind the Grundnorm” (1968) 26 Camb. L.J. 233.

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