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Sans s’en prendre à ce député, il est intéressant d’analyser précisément ce qu’il disait, car c’était typique des déclarations de l’époque.  Il a déclaré que l’utilisation d’un tel dispositif référendaire “n’est pas du fédéralisme et … n’est pas la manière canadienne”.

Pour en comprendre l’importance, il est utile d’examiner ce que signifie le fédéralisme dans d’autres pays.  Dans deux systèmes fédéraux tout à fait respectables, celui de la Suisse et celui de l’Australie, le référendum est utilisé pour les amendements constitutionnels.  En Australie, il n’est utilisé qu’à l’initiative du Parlement fédéral.  Ni en Australie, ni aux États-Unis, les gouvernements des États n’ont, en tant que tels, un rôle juridique bien établi dans le processus d’amendement constitutionnel.  En Australie, même les assemblées législatives des États n’ont aucun rôle à jouer et, aux États-Unis, le Congrès peut contourner les assemblées législatives des États en prévoyant une ratification par des conventions constitutionnelles spéciales dans chacun des États.  Le système des conventions n’a été utilisé que dans le cas du vingt-et-unième amendement (l’abrogation de la prohibition).

C’est peut-être M. R. G. Robertson, ancien secrétaire du Cabinet, qui a le mieux exprimé l’inquiétude suscitée par le référendum au Canada, lui qui a participé pendant une trentaine d’années aux efforts de réforme constitutionnelle avant de prendre sa retraite en 1979.  Il aurait déclaré que si un système référendaire n’est pas contraire au fédéralisme en soi, il est étranger à notre système de fédéralisme puisque les provinces sont depuis longtemps considérées comme ayant un rôle à jouer dans le processus de modification.25  Le fait que le mécanisme référendaire, qui est acceptable dans de nombreux pays, ait été si largement critiqué ici et finalement rejeté par la plupart des gouvernements et de nombreux faiseurs d’opinion doit nous dire quelque chose sur les qualités uniques du fédéralisme canadien.  Cela suggère notamment que nous n’accordons pas beaucoup d’importance à la prise de décision directe par le grand public en matière constitutionnelle.  Nous préférons un système de démocratie indirecte dans lequel le public délègue son autorité aux législateurs.  Au niveau provincial, en ce qui concerne la constitution, il semble qu’il y ait encore une autre délégation par les législateurs aux cabinets provinciaux.  En outre, nous nous attendons à ce que la volonté publique soit exprimée conjointement par deux agrégations de représentants élus, l’une au niveau fédéral et l’autre au niveau provincial.

Je ne peux pas laisser cette question du rôle du peuple dans l’élaboration de la Constitution sans au moins mentionner le rôle joué par les groupes et les individus dans les mémoires présentés au Comité mixte spécial du Parlement sur la Constitution.  La commission a reçu des mémoires ou des messages écrits de la part de 914 individus et de 294 groupes.  Cent quatre groupes et individus ont effectivement comparu devant la commission en tant que témoins.  Cela a permis une certaine participation extraparlementaire au processus de délibération et a sans aucun doute apporté un certain nombre d’améliorations à la résolution.


25. “Wise Counsel on Referendum Risks”, Toronto Globe and Mail, 20 janvier 1981, p. 4.

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