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Conférences Cronkite 1982
Rapatriement et légitimité constitutionnelle

B. L. Strayer

Conférence II

Dans mon premier exposé, j’ai parlé de la nature de la légitimité juridique et politique d’une constitution.  J’ai ensuite retracé, à travers l’histoire du Canada, la qualité et l’emplacement de ces formes de légitimité dans l’élaboration de notre propre constitution.  J’ai suggéré que, depuis la Confédération jusqu’en 1982, la source de la légitimité juridique a toujours été considérée comme le Parlement du Royaume-Uni.  En revanche, la source de la légitimité politique s’est quelque peu déplacée.  En 1867, le pays a été constitué sans consultation directe de la population et sans qu’aucune des assemblées législatives coloniales n’ait approuvé le projet final de confédération.  La volonté politique est en fait venue en grande partie du gouvernement et du Parlement du Royaume-Uni.  Pendant le reste du dix-neuvième siècle, cependant, il a été clairement établi que la légitimité politique d’un changement constitutionnel ultérieur devrait être trouvée au Canada.  Au cours du vingtième siècle, il a été de plus en plus admis que la volonté politique de modifier la Constitution au Canada devait venir non seulement du gouvernement et du Parlement d’Ottawa, mais aussi, dans certains cas, des gouvernements provinciaux et éventuellement des assemblées législatives provinciales.

C’est dans ce contexte qu’en octobre 1980, le gouvernement fédéral a présenté une résolution au Sénat et à la Chambre des communes, proposant une adresse conjointe à Sa Majesté pour demander qu’une législation soit présentée au Parlement du Royaume-Uni afin de rapatrier la constitution canadienne — c’est-à-dire de mettre fin au pouvoir du Parlement du Royaume-Uni de modifier notre constitution et de nous doter d’une procédure d’amendement canadienne.  Il était également prévu de demander à Westminster d’adopter une Charte des droits et libertés et quelques autres amendements à la constitution canadienne.  Au fil du temps, deux provinces — l’Ontario et le Nouveau-Brunswick — ont soutenu le gouvernement fédéral dans cette initiative, mais les huit autres provinces s’y sont finalement opposées.  L’histoire vous est familière.  Après un long examen par une commission parlementaire mixte sur la constitution et un débat considérable à la Chambre des communes, la suite des travaux du Parlement a été reportée jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada ait eu l’occasion d’entendre les appels de trois tribunaux provinciaux concernant la validité de ce processus de rapatriement et d’amendement.  En septembre 1981, la Cour suprême a estimé que la procédure était légale mais inconstitutionnelle, c’est-à-dire qu’elle était

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