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Le seul autre événement des années 1970 en rapport avec mon sujet est le renvoi au Sénat de 1979.  La plupart d’entre vous se souviendront des circonstances.  En 1978, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-60 visant à réécrire la Constitution, ce qui marquait le début d’un renouveau constitutionnel inspiré en partie par les événements survenus au Québec.  Une grande partie de ce texte ne devait pas entrer en vigueur avant que les provinces n’aient donné leur accord, mais certaines parties devaient être mises en oeuvre simplement par une loi du Parlement parce qu’on estimait qu’elles concernaient des questions relevant de la compétence fédérale.  C’est le cas de l’abolition du Sénat et de son remplacement par une Chambre de la Fédération.  Je n’entreprendrai pas d’expliquer cette proposition particulière, bien que j’aie eu l’occasion de le faire.  Au cours de l’été 1978, j’ai passé plusieurs jours devant une commission sénatoriale à expliquer pourquoi l’abolition de cet organe était dans l’intérêt du Canada.  Je ne suis pas sûr d’avoir convaincu mon auditoire.

Ce projet de loi a fait couler beaucoup d’encre et a été examiné en détail par une commission mixte spéciale du Sénat et de la Chambre des communes.  Des questions ont notamment été soulevées quant au pouvoir du Parlement d’abolir ou de modifier substantiellement le Sénat.  Bien que les avis du ministère de la Justice ne soient normalement pas rendus publics, le ministre de la Justice, l’honorable O. E. Lang, ancien doyen du College of Law, a expliqué assez longuement à la commission pourquoi le gouvernement estimait qu’il était du ressort du Parlement de modifier ou d’abolir le Sénat, en supposant bien sûr que le Sénat soit prêt à voter une telle mesure.  De nombreux membres de la commission n’ont apparemment pas été convaincus par cette explication.  Ils ont adopté une résolution demandant au gouvernement de soumettre la question à la Cour suprême, ce que le gouvernement a fait par la suite.  Après de nombreux mois de délibérations, la Cour est parvenue à la conclusion que le Parlement n’était pas légalement habilité à modifier le Sénat de manière fondamentale.  La Cour a estimé que ce pouvoir appartenait toujours au Parlement du Royaume-Uni.  Son interprétation des pouvoirs d’amendement du Parlement canadien en vertu de l’article 91 head [1] de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique était assez restrictive et montrait clairement que le Canada ne disposait pas d’une grande marge de manœuvre en matière de révision constitutionnelle.  En outre, elle soulignait que la légitimité juridique d’amendements constitutionnels importants relevait toujours du Parlement du Royaume-Uni.

Tels étaient donc les faits historiques, les courants de pensée, les facteurs en jeu lorsque nous sommes arrivés en 1980.  En mai de cette année-là, les électeurs du Québec ont refusé par référendum, à une majorité de 60 % contre 40 %, un mandat au gouvernement provincial pour la négociation de la souveraineté-association avec le reste du pays.  Cette décision a déclenché un processus de négociation constitutionnelle hyperactif entre les autorités fédérales et provinciales sur une autre série de questions constitutionnelles.  Plusieurs réunions ministérielles au cours de l’été ont abouti à une conférence des premiers ministres à Ottawa en septembre qui, à son tour, n’a abouti à rien.  Aucun accord n’a été trouvé et la conférence s’est terminée dans la discorde.

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